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Ces textes ont principalement été écrits à des moments où j'étais au travail, assise à mon bureau à mâchouiller mes regrets. Ça faisait longtemps que je me sentais seule. Si longtemps que je me sentais inutile. Trop longtemps que je ne savais pas comment dire que mon blouson était trop fin pour toute cette tempête de la vie qui souffle comme une brute le long des quais de l’existence. Comme une conne à attendre un train qui n'arrivait pas avec mon diplôme qui n’ouvrait aucune porte sous le bras. Est-ce qu’un jour on inventera une échelle pour quantifier la tristesse que peut produire un corps humain ? Existe-t-il des conteneurs où l’on pourrait la déposer pour qu’elle soit éliminée de façon écologique ?

Je me suis mise à la cherche d’un «vrai» travail (un qui existe chez les playmobiles cette fois). Je me suis levée à l’heure et inquiétée pour demain. J’ai menti à la CAF et détaillé des annonces. J’ai épluché les sites internet à la recherche de petits emplois merdiques et d’appartements trop chers pour pouvoir, enfin, avoir un « chez moi ». L’importance d’un toit et d’un peu d’argent dont parlait Virginia Woolf est capital si on veut créer quelque chose. Sans ça s’est impossible. C’est ça qu’ils auraient du m’apprendre à l’école.

Ça aurait pu stériliser mon cerveau pour toujours, le changer en tombeau remplis d’histoires et de dessins avortés et me transformer définitivement en fille amère et aigrie. Mais il faut croire que l’envie de raconter est plus forte, plus belle que la dépression, elle était plantée depuis longtemps dans l’oeuf gélatineux de mon cerveau et elle est venue me chercher pour me dire de me bouger le cul. Le récit graphique est le seul moyen que j’ai trouvé pour mettre en forme les défauts, les contradictions, les injustices du monde tel que je le perçois. Il m’a fallu longtemps pour lui donner forme et le faire exister, et il m’est apparu comme un cri. Un cri qui me permet de vivre sans être dupe de ce qui ne tourne pas rond chez moi. Un cri poussé dans l’espoir d’améliorer le choses. Alors j’ai écrit et dessiné pour rester en vie. Il fallait donner des corps à ces histoires et, j’espère que je n’en aurais jamais fini de raconter, en long, en large, en rage, en mots et en images. Parce qu’à mon avis, le monde a aussi besoin de looseuses bizarres et dépressives et que la poésie est un espoir brodé sur la lune pour demain.


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